« Je n’ai jamais vu briller autant des yeux d’enfants »

Le ministre CLaude Meisch est assis souriant dans la cour dw son ministère à Clausen
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Dans l'interview paru dans EDI-Infomagazin fir Elteren à l'occasion de la rentrée 2021-2022, le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch, revient sur une année de crise, répond aux controverses, plaide pour la gratuité de l’enseignement musical et se tourne vers l’avenir.

Monsieur le ministre, que signifie pour vous l’expression « des enfants et des adolescents forts », qui marque votre politique éducative ?

Claude Meisch : « Ce sont des enfants qui ont conscience de leurs forces, de leurs talents et de leurs ambitions. Mais aussi des enfants résilients, capables de surmonter des crises et de profonds changements. Des enfants qui s’engagent pour les autres. Et avant tout des enfants qui croient en eux-mêmes. »

Quelles images des derniers mois de la crise de la COVID restent gravées dans votre mémoire ?

« La joie et l’enthousiasme des enfants au moment où ils ont pu retourner à l’école. Je n’ai jamais vu briller autant des yeux d’enfants ! Je me souviens aussi de la voix de l’enfant qui, au cours d’une visioconférence, m’a demandé : " Combien de temps la pandémie va-t-elle encore durer ? ". Ce sont des moments suspendus où le temps s’arrête, de brefs instants qui résument le regard des enfants sur la COVID. »

« En principe, on ne se contamine pas à l’école. » Regrettez-vous d’avoir prononcé cette phrase ?

« Oui et non. Bien sûr, la formulation est simpliste et a provoqué de nombreuses moqueries et polémiques. En même temps, au moment où je l’ai prononcée, il était important de faire passer le message aux élèves, aux parents et aux enseignants qu’on pouvait certes contracter la COVID à l’école, mais que ce n’était certainement pas l’endroit où les enfants se contaminaient le plus. On s’est beaucoup moqué de cette phrase, mais elle n’était pas si fausse que ça ! »

Quels enseignements retenez-vous de cette crise ?

« C’est presque banal à dire, mais chaque crise apporte aussi des aspects positifs. J’ai lancé un large processus de dialogue en vue de tirer un bilan de cette période difficile et j’ai pour cela consulté sous différentes formes les élèves, les parents et les enseignants. Le but est de dégager les approches positives trouvées en réponse à cette crise pour continuer à les appliquer à l’avenir.

Personnellement, la cohésion et la solidarité déployées pendant la crise m’ont beaucoup impressionné. L’école, les parents et les maisons relais ont tout fait, main dans la main, pour ne pas laisser tomber les enfants. Mon souhait sincère est qu’on puisse conserver cet esprit de cohésion au-delà de la pandémie. »

Avez-vous de nouvelles priorités pour le système éducatif ?

« Dans une période post-COVID, nous devons bien sûr assurer le soutien nécessaire auprès des enfants et des jeunes. Même si cela est notre priorité, nous ne devons pas négliger la modernisation du système éducatif. Nous devons nous interroger sur les compétences indispensables au 21e siècle. Lire, écrire et calculer seront toujours des compétences très importantes. Mais il faut aussi, dans un monde digitalisé, nous concentrer sur les compétences humaines : la créativité, l’esprit d’équipe, la pensée critique sont et resteront des caractéristiques fondamentales de l’être humain. Dans ces domaines, l’ordinateur ne pourra jamais remplacer l’homme. C’est précisément pourquoi nous devons développer ces compétences-là. »

Ces dernières années, vous avez ouvert plusieurs écoles internationales. Qu’en est-il du système scolaire « traditionnel » ?

« Les écoles internationales publiques permettent d’offrir à chaque élève résidant au Luxembourg une chance équitable de terminer sa scolarité avec un bon diplôme en main, peu importe quelle langue il parle à la maison. Depuis des décennies, nous savions que ce n’était pas le cas et je suis fier d’avoir créé des chances de réussite concrètes pour tous les jeunes.

Les écoles internationales publiques ne sont pas meilleures que les autres écoles publiques, mais elles correspondent mieux aux besoins de certains élèves. À ce titre, elles sont un élément important de notre système éducatif.

Mais nous avons aussi besoin de notre système scolaire traditionnel, que nous adaptons constamment à l’époque dans laquelle nous vivons.

Là aussi, il est question d’élargir et de diversifier l’offre scolaire. Je pense aux nouvelles sections à l’enseignement secondaire, comme les sections informatique et communication, sciences naturelles, sciences sociales, ou aux nouvelles formations et formations professionnelles liées aux smart technologies. Ce processus se poursuivra à la rentrée et au-delà.

Nous introduisons aussi de nouvelles disciplines, pour adapter l’école au monde d’aujourd’hui : le coding à l’école fondamentale et les digital sciences au lycée.

Les écoles internationales publiques sont une innovation. Les nouvelles offres et les nouveaux contenus de notre système scolaire traditionnel le sont au moins tout autant ! »

Vous êtes sur le point d’introduire une certaine gratuité dans l’enseignement musical. Une autre grosse attente des parents concerne l’aide aux devoirs…

« Si nous voulons développer la créativité des enfants, il est évident que nous devons œuvrer à ce qu’un maximum d’enfants puissent profiter d’un enseignement musical de qualité. La musique fait partie de l’être humain. C’est une langue universelle. Une langue qui nous permet d’exprimer nos sentiments comme aucune autre.

Je suis heureux que les conservatoires et les écoles de musique soient aujourd’hui un élément indissociable de notre offre éducative et qu’une grande partie des cours soient gratuits dès cette rentrée 2021. L’éducation doit être gratuite et accessible à tous !

Un autre sujet important est en effet une offre qualitative d’aide aux devoirs. Dans les mois à venir, je vais en parler avec les partenaires concernés et développer un concept à l’échelle nationale. »

Qu’avez-vous envie de dire aux parents à l’occasion de cette rentrée ?

« Je veux leur dire merci. Merci de nous avoir fait confiance dans la gestion de la crise de la COVID et de nous avoir ainsi permis de garder les écoles ouvertes la plupart du temps.

Au cours de l’année scolaire qui commence, tout le monde ne sera pas vacciné. Le virus restera présent et nous ferons tout notre possible pour que, malgré la COVID, l’éducation des enfants et des jeunes reste notre priorité commune et absolue.

Ensemble, nous avons réussi à ce que les élèves puissent aller à l’école presque chaque jour l’année dernière. Ce n’était pas évident au départ. Ensemble, cette année qui vient, nous devons faire en sorte que les enfants et les jeunes puissent rattraper ce qui leur a manqué pendant la pandémie, à l’école comme dans leur vie personnelle. »

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