Le 9 décembre 2024, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse et l’Université du Luxembourg ont présenté conjointement le quatrième Rapport national sur l’éducation (Bildungsbericht).
Réalisé tous les trois ans depuis 2015 et fondé sur une approche multidimensionnelle (pédagogique, psychologique, linguistique et sociologique), le Rapport national sur l’éducation pose un regard analytique sur les opportunités et les défis auxquels fait face le système éducatif luxembourgeois. Coédité par le Service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques (SCRIPT) et le Luxembourg Centre for Educational Testing (LUCET) de l’Université du Luxembourg, le rapport est une compilation d’articles scientifiques et de travaux de recherche qui permet d’accompagner scientifiquement la mise en œuvre de la politique éducative et l’évaluation des réformes lancées par le ministère.
La diversité de la population scolaire reste un défi majeur
Le rapport confirme une fois de plus la situation spécifique du Luxembourg : l’hétérogénéité toujours plus grande de sa population scolaire liée au contexte migratoire et linguistique, mais aussi au statut socio-économique. L’ambition d’adapter le système éducatif pour le rendre plus équitable et pour donner à tous les enfants et jeunes les meilleures chances possibles de réussite guide depuis des années la politique éducative et les réformes mises en place. Néanmoins, l’hétérogénéité demeure le plus grand défi du système éducatif, ce qui a amené les auteurs du rapport 2024 à se concentrer plus particulièrement sur les thèmes de la diversité et de l’inclusion. Pour le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch, « la diversité et l’inclusion sont un défi permanent pour la politique éducative, mais aussi pour tous ceux qui s’engagent auprès des enfants et des jeunes. Le rapport national sur l’éducation a le mérite de mettre en lumière les multiples facettes de ce sujet afin que nous puissions progressivement adapter notre système à notre population scolaire hétérogène ».
Rendre le système éducatif plus inclusif : coup de projecteur sur quatre réformes majeures
Parmi les nombreuses mesures lancées pour rendre le système éducatif plus équitable et plus inclusif, le rapport 2024 confirme des résultats prometteurs de quatre initiatives majeures qui ont le potentiel de réduire progressivement les inégalités éducatives :
1. La petite enfance, une étape essentielle du parcours éducatif
Pour donner les meilleures chances à tous les enfants dans la vie et à l’école, il faut agir dès la petite enfance. Dans cette optique, le gouvernement met en avant des mesures ambitieuses pour renforcer l’accessibilité des structures d’éducation et d’accueil et la qualité de l’encadrement dès la petite enfance.
Pour répondre à la diversité linguistique et offrir à chaque enfant des opportunités éducatives adaptées dès le plus jeune âge, le ministère a introduit, en 2017, un programme d’éducation plurilingue pour les enfants de 1 à 4 ans dans les crèches. Ils y bénéficient également d’un encadrement gratuit de 20 heures hebdomadaires.
Le programme gouvernemental 2023-2028 va encore plus loin pour offrir à chaque enfant les meilleures chances pour démarrer son parcours éducatif. Il prévoit de renforcer le début du parcours éducatif grâce à un meilleur ratio personnel/enfants dans les crèches, une offre à temps plein pour l’éducation précoce dans toutes les communes ainsi que l’introduction d’un intervenant supplémentaire au cycle 1 qui travaillera en collaboration étroite avec l’enseignant pour adapter l’enseignement aux besoins des enfants.
2. Les écoles européennes publiques
Afin que chaque élève trouve sa place dans le système scolaire public, le ministère a fait un pas décisif dans ses efforts d’adapter le paysage scolaire à la diversité de la population, avec la mise en place de six écoles européennes publiques au cours des sept dernières années. Grâce à une approche d’apprentissage des langues plus flexible, ces écoles offrent des chances de réussite plus équitables à la population scolaire très hétérogène, sachant que le profil linguistique est un facteur important du succès scolaire. Le Rapport national sur l’éducation 2024 confirme les résultats préliminaires d’une analyse selon laquelle ces écoles pourraient effectivement contribuer à réduire les inégalités éducatives existantes. En effet, il ressort de l’analyse que les élèves du système européen ont moins de retard scolaire que les élèves du système national ; qu’ils sont moins enclins à changer de voie et suivent donc un parcours plus linéaire ; et qu’ils obtiennent de meilleurs résultats en compétences mathématiques lors des épreuves standardisées (ÉpStan). Les résultats semblent ainsi confirmer l’avantage pour les élèves d’apprendre une matière dans une langue qu’ils maîtrisent bien.
3. Le projet pilote « ALPHA – zesumme wuessen »
L’alphabétisation est un moment clé qui pose les jalons pour un parcours scolaire réussi. Pour réduire les inégalités liées à la diversité linguistique des élèves, le ministère entend diversifier également l’offre scolaire dans les écoles fondamentales publiques, en offrant aux parents des élèves le choix d’opter pour une alphabétisation en allemand ou en français. C’est ainsi que le projet pilote ALPHA – zesumme wuessen a été lancé à la rentrée scolaire 2022/2023 dans quatre écoles fondamentales du pays. Le groupe d’élèves qui a le français comme langue d’alphabétisation affiche une forte motivation pour apprendre et lire dans la langue d’alphabétisation. Les premières analyses montrent, avec toute la prudence qui s’impose, le potentiel de ce projet pour mieux répondre à la diversité linguistique de la population scolaire.
4. Le dépistage systématique des déficiences de la vue
Une détection précoce de déficiences éventuelles est essentielle pour offrir aux enfants concernés un soutien adapté à leurs besoins. Pour identifier dès le début de l’école fondamentale et soutenir au mieux les enfants qui présentent des déficiences visuelles, le LUCET et le Centre pour le développement des compétences relatives à la vue (CDV) ont uni leurs forces pour développer une procédure innovative de dépistage intégrée aux épreuves standardisées (ÉpStan). Le Rapport national sur l’éducation 2024 montre que les déficiences de la vue ont un impact significatif sur l’apprentissage et les performances scolaires des élèves. En effet, lors des épreuves standardisées au cycle 2.1, les enfants atteints de déficiences visuelles ont des résultats nettement inférieurs dans les trois domaines de compétences (alphabétisation précoce, mathématiques et compréhension orale). Avec le dépistage systématique mis en place, le Luxembourg s’est doté d’un levier remarquable pour identifier précocement ces élèves à risque, adapter les interventions à leurs besoins et contribuer ainsi à améliorer leurs chances de réussite.
Le Rapport national sur l’éducation met en lumière les défis et opportunités liés à la gestion de l’hétérogénéité de la population scolaire. Il montre que, si les effets des réformes et mesures lancées par le ministère ne sont pas encore tous mesurables, les premiers résultats sont prometteurs et incitent à continuer à investir pour l’équité des chances.
Le programme gouvernemental 2018-2023 prévoit des mesures pour répondre au défi prioritaire qu’est la diversité linguistique : l’extension de l’offre des écoles européennes publiques vise à répondre à la forte demande d’inscriptions ; la généralisation du projet ALPHA – zesumme wuessen, suivi de près dans sa phase pilote, pourrait se faire sur la base des résultats de l’évaluation scientifique à partir de la rentrée 2026/2027.
Pour réagir à l’hétérogénéité de la population scolaire, le ministère augmentera également progressivement le nombre des Centres socio-thérapeutiques (CST), assurant aux élèves de l’enseignement fondamental qui présentent des troubles du développement socio-émotionnel une prise en charge pédagogique individuelle et intensive par des pédagogues, thérapeutes et enseignants. Cette offre sera également étendue aux élèves de l’enseignement secondaire (CST 12+).
Permettre à chaque élève les meilleures chances de réussite signifie aussi lutter contre le décrochage scolaire. Le ministère entend mettre en place davantage de Centres d’insertion socio-professionnelle (CISP) dans différentes régions du pays. Ceux-ci offrent un encadrement des jeunes au plan scolaire, mais avant tout au plan socio-éducatif pour renforcer les compétences sociales, émotionnelles et professionnelles.